Arche de Zoé: la justice tchadienne se dit toujours soumise au tempo politiqueN'DJAMENA (AFP) — Après avoir dénoncé des pressions au début de l'affaire de L'Arche de Zoé, le milieu judiciaire tchadien estime que, malgré un certain apaisement médiatique, le tempo est toujours donné par le pouvoir qui demande aux magistrats de se "débarrasser" rapidement de ce dossier.
L'enquête sur la tentative de l'association française d'emmener en France 103 enfants a connu une nette accélération cette dernière semaine.
Depuis que le dossier a été bouclé le 4 décembre, la justice n'a pas perdu son temps: après une brève navette entre le procureur de N'Djamena et le juge d'instruction, ce dernier a pris son ordonnance, renvoyant les six Français de L'Arche de Zoé, trois Tchadiens et un Soudanais devant la Cour criminelle, et prononçant un non-lieu pour les onze autres Européens et un Tchadien.
Le Parquet a travaillé le week-end afin de saisir immédiatement la chambre d'accusation, en vue d'un procès très rapide devant la Cour criminelle, selon des sources judiciaires. Le procès doit avoir lieu "avant la fin décembre", voire "avant Noël", affirme un haut responsable judiciaire, prédisant un enchaînement accéléré des différentes étapes de la procédure.
Plusieurs magistrats ont été invités à mettre leurs autres dossiers entre parenthèses. "Il y a une volonté politique et diplomatique d'aller vite", explique l'un d'eux.
Au palais de justice de N'Djamena, l'agitation des débuts de l'affaire, lorsque la grogne des magistrats contre les pouvoirs français et tchadiens était palpable dans la cour sablonneuse et que des dizaines de Tchadiens manifestaient leur hostilité envers la France, est retombée.
Seuls restent, affichés sur les murs délabrés, des communiqués syndicaux contre les "pressions" politico-diplomatiques, souvenir de la visite éclair du président français Nicolas Sarkozy, débarqué le 4 novembre, un dimanche, pour rapatrier des inculpés libérés, et de sa promesse, lancée deux jours plus tard, de revenir "chercher" les autres "quoi qu'ils aient fait".
"Les pressions politiques se sont apaisées", reconnaît le président du Syndicat des magistrats du Tchad (SMT) Abdoulaye Cheikh. "Mais vu la vitesse à laquelle va ce dossier, il doit bien y en avoir encore un peu", ajoute-t-il. "Les politiques, aussi bien en France qu'au Tchad, veulent que ça aille vite pour se débarrasser de cette épine dans le pied".
C'est justement la "célérité" de la procédure, dans un pays où "la justice se caractérise par une certaine lenteur", qui soulève les "doutes" de l'avocat tchadien des six Français détenus, Me Abdou Lamian. Ses clients sont depuis samedi en grève de la faim contre une instruction menée selon eux "à charge". Pourtant, Paris et N'Djamena ont pris soin, depuis leurs vifs échanges initiaux, de baisser le ton.
En marge du sommet Union européenne (UE)-Afrique de Lisbonne, samedi, le président Sarkozy et son homologue Idriss Deby "ont exprimé leur volonté commune de dénouer la situation", selon les termes diplomatiques de l'Elysée.
"Sarkozy a mis de l'eau dans son vin, mais au niveau diplomatique, les deux pays ont continué à échafauder le scénario de sortie de crise", estime un magistrat.
Interrogé par l'AFP, le ministre de la Justice Albert Pahimi Padacké a démenti toute ingérence, reconnaissant seulement avoir demandé au Parquet de "faire diligence" dans cette affaire.
Toutefois, jusqu'ici, les décisions prises par la justice ont coïncidé avec celles que la rumeur véhiculait plusieurs jours auparavant dans les couloirs du palais. Et des scénarios sans aucune existence officielle circulent déjà pour la suite: après une probable condamnation, les Français seraient soit graciés, soit envoyés en France purger leur peine.
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